Seigneur Zekar de Dethek (et son orchestre)

Il est né il y a 500 ans dans les hautes terres d'Ec... Euh non j'me suis trompé d'histoire, on la r'fait !


Il y a de nombreuses années, le Seigneur Taddéo Santangello posait les premières pierres du premier château-fort de ce qui sera plus tard le Royaume de Dethek. Son empire était incontestabelemnt promis à un avenir glorieux, du moins c'est ce qu'il pensait, car, voyez-vous, le vieux Taddéo était un peu niais sur les bords. Cependant ses gens le considérait comme un bon monarque, et ne voulaient pas contrarier ses doux rêves. Du reste il était assez bon avec son peuple : ceux-ci ne manquaient de rien, et la paix régnait sous l'égide du souverain qui abhorrait les combats. Plus exactement la seule vue du sang lui causait un malaise.

Les années passèrent, et le Royaume se développait sous la houlette de son chef et de sa batterie de conseillers qui travaillaient d'arrache-pied de l'aube au crépuscule pour que le royaume prospère et que les visions de gloire et de grandeur de leur seigneur se réalisent. Cependant, comme partout ailleurs, le royaume comptait son lot de mécontents, bien que tout aille pour le mieux. En tout et pour tout il y avait 100 mécontents. Et le hasard voulut que ce soient les cent membres du Sénat. La principale implication de cette malencontreuse coïncidence était que le Sénat votait systématiquement contre les propositions de loi du souverain. Autrement dit, aucune loi n'a jamais été votée en Dethek...

Sa capitale, Bisköth (en hommage au chien défûnt du souverain), accueillait sans cesse de nouveaux arrivants. La plupart étaient attirés par les sirènes de l'emploi. En effet des centaines d'emplois furent créés en raison de l'essor de l'industrie de charentaises biskothoises, qui s'exportaient d'un bout à l'autre de l'île. D'autres venaient simplement parce qu'ils n'avaient pas d'autre endroit où se terrer. C'est dans cette catégorie de personnes que l'on trouve des gens comme Zekar et Tzartas. Deux escrocs à la petite semaine qui survivaient grâce au fruit de leurs activités illicites, vendant des produits illicites, par des moyens illicites. Le gros de leurs "affaires" résidait précisemment dans le trafic de charentaises. Mais comme le Sénat avait voté contre la loi qui suggérait la création d'une milice patrouillant dans les rues, ils avaient la rassurante certitude que personne ne les inquièterait jamais. Sur ce point, ils n'avaient pas tort...

Malgré qu'il fut un souverain très occupé, Taddéo trouvait le temps de se balader dans les avenues de sa capitale, faisant des inspections inopinées chez les fabricants de charentaises sur le coup des trois heures du matin. Sans prendre la peine de réveiller l'artisan, la plupart du temps. Un soir, il rendit une visite impromptue chez le meilleur Charentier du Royaume, autrement dit, l'homme le plus riche de Dethek, après le monarque... Cependant il constata la présence insolite de deux ouvriers, tentant d'emporter dans de gros sacs des stocks impressionnants de charentaises de première qualité. Il les aborda benoîtement :

- Holà, chers administrés ! Je suis ravi de constater que l'économie du Royaume n'a pas d'heure pour prospérer !

Les deux gugusses levèrent la tête si brusquement que l'un d'entre eux se cogna la tête contre le rebord de la fenêtre ouverte. Ils parurent comme... paniqués ! L'un d'eux - le plus petit - chuchota à l'autre qui se massait le crâne. Qu'est-ce qu'on fait, Zek', on l'enferme dans un sac ? Le roi ne parût pas entendre, car celui-ci rajouta :

- Ah mes amis, belle nuit que voilà... Comme disait mon oncle Sasassa "Ben ouais, s'comme quand on est plein d'bière, on est tellement heureux qu'on sent même pas qu'on est en train d'pisser dans son froc !". Le pauvre mourut jeune, mais plein comme un tonneau...

Le plus grand des deux hommes dissuada d'un regard en biais son complice de toute vélléité de rapt sur cet étrange personnage, et avança vers le bonhomme :

- Bonsoir monsieur. Votre visage m'est familier... Vous êtes ?

- Vous l'ignorez ? Quel cabotin, haha ! Mais je suis Taddéo Santangello, vous savez... le trône, la couronne ?

- Aaaaah, et c'est vous qui dirigez le pays !

- Voiiiila !

- Et c'est vous qu'on a vu à la quinzaine du saucisson dethekois !

- Voiiiila !

A cet instant, les intrus parurent prendre conscience du danger qui les menaçait. Ils jetèrent des coups d'oeil nerveux à la ronde, comme ils s'attendaient à voir surgir une armada de gardes armés jusqu'aux dents les encercler. Cependant le roi ne semblait pas protégé ; la curiosité des deux comparses fut piquée au vif. Avant que Zekar ne rouvre la bouche, Taddéo reprit :

- Vous m'êtes sympathiques, et le fait que vous veillez si tard pour continuer le travail d'une si harassante journée prouve votre mérite. Venez avec moi, je vous offrirai l'hospitalité pour la nuit, ainsi que la jouissance de mon harem si vous le désirez.

Tzartas allait argumenter auprès de son compagnon, lui faisant remarquer que c'était peut-être un piège, mais les dernières paroles du Roi lui firent subitement penser l'inverse.

- Faut y'aller, Zek' ! Une offre du Roi ça ne se refuse pas allons !


A la suite de cette nuit cruciale pour la destinée du royaume, Tzartas et Zekar ne quittèrent plus le roi de Dethek. Celui-ci voyait en eux les commerçants modèles. Qui avaient plus travaillé en une nuit que dans une vie entière. Ce fut d'ailleurs la raison pour laquelle le philanthrope leur accorda une retraite anticipée (à 16 ans chacun tout de même). Le monarque se lia d'amitié tout particulièrement avec Zekar, ne cachant d'ailleurs pas son désir de l'intôniser en tant que son successeur. Non pas que le roi fut sans descendance, non. Il devait bien y en avoir qui étaient ses enfants parmi la douzaine de marmots qu'on lui présentait chaque jour en espérant qu'il les recueille... Mais il s'était toujours refusé de reconnaître son hypothétique progéniture. Trop de paperasse à remplir. En plus c'était par pure convention, car la paperasse c'était précisémment lui qui la vérifiait... Toujours est-il que le brave souverain prit le jeune escroc sous son aile.

Le tournant dans la vie de Zekar fut le jour où le roi lui annonça son attention de l'emmener au Sénat assister à une session extraordinaire, décrétée par le leader de l'opposition (et donc du Sénat) : Krüton. C'était un homme qui semblait accablé par le poids des ans, soutenu miraculeusement sur ses deux jambes par une canne taillée dans un tibia de mort-vivant. Krüton était ridé, voire même très ridé, et ses cheveux étaient d'un blanc éclatant. Du moins, sur les parties de son crâne qui possédaient encore des cheveux, ce qui ne faisait pas lourd... L'ordre du jour était la proposition de loi émanant de Taddéo proposant une rémunération accrue des représentants de l'opposition. Comme il savait pertinnement que le Sénat votait toujours l'inverse que ce que le texte affirmait, Taddéo ne se faisait guère de souci pour les caisses du Royaume... Et en effet la motion fut rejettée à l'unanimité, par principe.

- Tu vas voir, on va bien rire, fit le rusé monarque à son protégé. J'ai uneautre loi à vous soumettre, les pleins pouvoirs au Sénat le jour de ma mort !

Le pitoyable Krüton prit aussitôt la parole, visiblement sans réfléchir outre mesure :

- Je vote contre ! C'est encore une tentative du pouvoir en place pour déstabiliser l'économie de charentaises bisköthoise ! Qui est avec moi ?!

Tous les bras se levèrent, la loi fut donc rejetée ; Taddéo reprit la parole :

- Dites-moi, une dernière chose. Les documents que voici attestent que lors de ma disparition je cèderai le trône à Zekar ici présent. Cependant je suis absolument opposé à ce que ce texte soit approuvé par le Sénat. Qu'en dites-vous ?

- Je vote pour ! Ahah, vous pensiez que nous allions vous approuver n'est-ce pas Santangello ? Eh bien, c'est raté ! MUHAHAHAHA ! keuf* feuf* ah zut, un glair...

Le souverain rayonnait de voir ses ordres si bien respectés. Zekar, lui était amusé par cette parodie de politique. Il interpella le vieux fou :

- Merci de ton soutien, éloquent vieillard ! Je m'en souviendrai en temps utile.

L' "éloquent vieillard" parut outré. Il ne tarda pas à le faire savoir:

- Vieillard ! J'ai 25 ans ! Seulement je me suis lancé dans le commerce de charentaises...



Un mois plus tard, des hordes de démons fondirent sur le royaume de Dethek. Ce fut un massacre. Aucune milice ne défendant le royaume, les paysans se defendirent à coups de charentaises de première qualité. Ca a failli suffire. Failli...
Le bon souverain perdit la vie dans la sanglante affaire, étouffé par un démon sadique qui l'avait poussé à avaler des douzaines de saucissons. Pire encore, toute l'économie de charentaises dethekoise fut dévastée. Zekar jura sur la tombe du monarque - creusée à la hâte dans le jardin du château - qu'il reconstruirait le royaume de son défunt bienfaiteur. Mais des élections ne tarderaient pas à avoir lieu, lorsque les fous du Sénat s'apercevraient qu'ils avaient voté la seule loi qu'ils n'auraient voulu pour rien au monde voir aboutir. Mais Zekar serait prêt.
Dès qu'il aura tiré Tzartas du harem qui lui appartenait maintenant. Ultime cadeau du défûnt...